Bilan COP 21

Lors de notre dernière rencontre lundi 4 janvier nous avons abordé deux sujets principalement :

–         présentation du projet du Parc Naturel Régional de Chevreuse de créer une monnaie locale

–         bilan de la COP 21 vue de notre fenêtre.

Voici le texte correspondant à ce bilan

 

affiche avec site et adresse

Tentative d’analyse de la COP21 du 30 novembre au 12 décembre 2015, à Paris.

À quoi servent les conférences sur le climat ?

«Elles servent à ce que pendant un ou deux mois, dans tous les pays, on parle de l’environnement et du dérèglement climatique. Elles servent à alerter l’opinion publique. C’est une fonction irremplaçable !»

Aspect applicatif

Après son adoption, l’Accord de Paris sera déposé aux Nations Unies à New York et ouvert à la signature pour une durée d’un an le 22 avril 2016 – Jour de la Terre (2). L’accord entrera en vigueur après que 55 pays qui représentent au moins 55% des émissions mondiales auront déposé leurs instruments de ratification.

Pour accueillir le premier accord universel et juridiquement contraignant sur le changement climatique, soutenir la transformation de la croissance mondiale et le développement et ouvrir la porte à un avenir durable, stable et bas carbone, les parties prenantes peuvent se joindre aux grandes villes, régions, entreprises et investisseurs du monde entier pour aider à mettre en œuvre l’Accord de Paris, et ce, en signant l’Appel de Paris. (http://parispledgeforaction.org/)

 

Texte en français : http://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/l09r01f.pdf

 

Aspect diplomatique

Par sa composition 195 + 1 pays elle était vouée à n’être qu’un compromis. Les intérêts particuliers des états, souvent contradictoires, obligeaient à faire figurer dans un texte unique des mots clés (1,5°, gaz à effet de serre, croissance etc.) permettant à chacun de le faire lire à leurs mandants dans les moins mauvaises conditions.

De ce point de vue la conclusion de la COP 21 est une réussite car :

–         aucun pays ne l’a refusé.

–         elle contient les termes qui définissent un réchauffement climatique

–         elle a fait s’engager parallèlement 187 des 195 états à fournir leur feuille de route ; reconnaissant par-là que le scepticisme n’est plus d’actualité

–         elle reconnait que cette feuille de route n’est pas à la hauteur des problèmes à gérer puisqu’elle reconnait qu’il faudra régulièrement se revoir.

C’est un exercice diplomatique remarquable.

 

Aspect pratique

Mais hélas dans les engagements (INDC : Intended Nationally Determined Contributions) déclarés et déposés avant la conférence par les états entérinent un réchauffement climatique supérieur à 3 °C, sans se doter des dispositifs pour revenir sur une trajectoire inférieure à 1,5 °C ou même 2 °C.

François Hollande souhaitait qu’on se souvienne de la COP 21 comme du moment déclenchant une « révolution climatique ». Par bien des points, l’accord de Paris tranche en faveur des options les plus conservatrices et les moins ambitieuses qui étaient présentes dans le texte de négociation. L’accord de Paris valide une chose positive : les 195 États de la planète sont d’accord pour maintenir un cadre international et multilatéral – bien que très affaibli – de « gouvernance du climat » : pour véritablement changer la donne, il devient urgent que les règles et principes d’organisation de l’économie mondiale et du commerce international soient soumises à l’objectif climatique.

 

Analyse du texte sur la base des adjectifs utilisés par Laurent Fabius et François Hollande

L’accord de Paris est-il ambitieux ?

  • En entérinant des contributions nationales (INDCs) qui conduisent vers un réchauffement supérieur à 3 °C, la COP 21 se montre incapable de désamorcer la bombe climatique.
  • L’objectif d’1,5 °C, qui n’est pas un objectif contraignant, ne saurait masquer l’absence d’engagements chiffrés de réduction d’émissions de GES pour les années à venir (art. 2).
  • Aucune date n’est mentionnée pour le pic des émissions et, l’objectif de long-terme, attendu pour 2050, ne concerne que la seconde partie du siècle ; la formulation de l’objectif de long-terme ouvre la porte à l’utilisation massive de techniques inappropriées telles que le stockage et la séquestration du carbone, la compensation carbone et la géoingénierie.

Sans feuille de route clairement établie, sans mention des points de passage en 2020 et 2050 fixés par le GIEC pour revenir sur une trajectoire inférieure à 2 °C, l’accord de Paris met en danger le simple droit à vivre de nombreuses populations à travers la planète.

 

L’accord de Paris est-il doté des moyens suffisants ?

  • Absence des 100 milliards comme plancher de financement dans l’accord de Paris, renvoyé dans le texte de décision de la COP 21 et donc soumis à de nouveaux arbitrages futurs, sans force contraignante et sans amélioration par rapport à Copenhague.
  • Manque de transparence et de prévisibilité des financements pour l’après 2020 : aucune mention des termes « nouveaux » et « additionnels » pour évoquer les financements futurs, en contradiction avec la Convention, pas plus que les termes « adéquats » et « prévisibles ».
  • Absence de rééquilibrage au profit de l’adaptation.

Après 25 ans de négociation, et alors qu’ils n’ont jamais débloqué les financements nécessaires, les pays riches historiquement responsables du réchauffement climatique tentent de se dédouaner de leurs responsabilités !

L’accord de Paris fait-il œuvre de « justice climatique » ?

  • Suppression des références aux droits humains, aux populations indigènes et à la transition juste dans les articles de l’accord de Paris, références renvoyées dans les préambules ;
  • Très net affaiblissement du mécanisme de « Pertes et dommages » puisque tout ce qui concerne les responsabilités juridiques est retiré de cet l’accord.

L’affaiblissement du mécanisme de pertes et dommages sonne comme un aveu de culpabilité des pays responsables du dérèglement climatique.

L’accord de Paris est-il universel ?

  • Les secteurs de l’aviation civile et du transport maritime, près de 10 % des émissions mondiales (= Allemagne + Corée du Sud) sont exemptés de tout objectif alors qu’ils représenteront 39% des émissions de GES en 2050)L’Union Européenne a une forte responsabilité dans ce passage à la trappe de ces deux secteurs.
  • De nombreuses contributions des États (INDCs), notamment des pays les plus démunis, dépendent de financements additionnels pour mener à bien leur transition énergétique et politiques d’adaptation : ces financements ne sont pas là et pas garantis pour le futur.

L’Accord de Paris ne se donne pas les moyens d’être universel et refuse de s’attaquer à la machine à réchauffer la planète que constitue la globalisation économique et financière.

L’accord de Paris est-il juridiquement contraignant ?

  • L’accord de Paris ne transforme par les INDCs en des engagements contraignants et les mécanismes de révision des engagements sont faiblement contraignants.
  • Aucun mécanisme de sanction n’est mis en œuvre pour sanctionner les États qui ne prendraient pas des engagements suffisants, qui ne les mèneraient pas à bien ou qui refuseraient de revoir à la hausse leur ambition.

Alors que les accords de libéralisation du commerce et de l’investissement sanctionnent les pays lorsqu’ils ne respectent pas les règles établies, encore rien de tel en termes de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

L’accord de Paris est-il dynamique ?

  • Il sera impossible de rajouter dans les années futures tout ce qui n’est pas dans le texte de l’accord de Paris (100 milliards comme plancher, …).
  • Des inventaires sont prévus tous les 5 ans, mais la mise en œuvre des révisions à la hausse reste dépendante de l’interprétation du texte et de la bonne volonté des États.

L’accord de Paris est-il différencié ?

  • Avec la mise en œuvre des INDCs, les États ont accepté à Lima une autodifférenciation en matière de réduction d’émissions de GES : chaque pays met sur la table ce qu’il souhaite.
  • En matière de financements, alors que la Convention-cadre prévoit que les pays historiquement les plus émetteurs débloquent les financements nécessaires à l’adaptation et la mitigation (1) des pays qui en ont besoin, les États-Unis et leurs alliés ont essayé de poursuivre leur œuvre de démolition des principes de la Convention.

L’accord de Paris est-il équilibré ?

  • Aucun mécanisme clairement défini pour faciliter le transfert des technologies, (principe de l’état de concurrence oblige) notamment pour lever les barrières à l’accès générées par les droits de propriété intellectuelle
  • Possibilité est laissée aux pays, notamment les plus émetteurs, d’utiliser des mécanismes de compensation carbone pour atteindre leurs objectifs, au détriment d’une réduction domestique des émissions.
  • Maintien de la référence à « la croissance économique » (art. 10)

 

Conclusions

Lorsque l’on voit le contenu explicité par cette analyse on peut considérer que les termes utilisé par Hollande et Fabius sont une escroquerie intellectuelle.
Y accoler la référence « justice climatique », sans contenu, est méprisant envers toutes celles et ceux qui se mobilisent en ce sens depuis des années. C’est un accord à la carte ou chaque état peut faire ce qu’il veut en matière d’émissions de GES.

L’impuissance des gouvernements à s’attaquer aux causes réelles des dérèglements climatiques révèle leur dépendance à l’avidité des multinationales ; les énergies fossiles, l’obsession de la croissance et le commerce international sont considérées comme des données intouchables.

Sans référence à la nature de l’économie actuelle et à sa transformation radicale, il ne peut y avoir de solutions efficaces.

Face à une crise systémique,

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Et c’est à nous, membres de la société civile de tout mettre en œuvre pour atteindre cet objectif dans les moins mauvaises conditions.

(1) La mitigation (d’après le mot latin mitigare) (atténuation en français) est utilisée dans le domaine du risque ou des études d’impact (et surtout dans les pays anglo-saxons) pour désigner des systèmes, des moyens et des mesures d’atténuation d’effets, par exemple en matière de risques majeurs naturels ou dans le cas d’impacts négatifs pour l’environnement induits par un aménagement.

À la différence de la compensation ou de la conservation telles que comprises en France et en Europe, la mitigation vise plutôt à atténuer les dommages sur les enjeux (environnementaux, sociaux, économiques, sanitaires, épidémiologiques1…) pour les rendre plus supportables par la société.
Cela se fait plutôt dans une démarche préventive, visant à réduire d’une part la vulnérabilité des enjeux et d’autre part l’intensité de certains aléas tels que les inondations, les avalanches, aléas liés à des phénomènes climatiques et géologiques ou anthropiques (pollution, destruction de patrimoine construit, culturel ou naturel (en particulier dans ce dernier cas destruction d’espèces ou d’habitats ou fragmentation écopaysagère…)

La mitigation est une des composantes d’une stratégie de développement durable, et en particulier la mitigation des risques naturels en tant qu’investissement fait aujourd’hui en prévision de phénomènes qui auront lieu demain.

(2) Le Jour de la Terre est le nom d’une célébration correspondant à deux événements : soit la journée internationale de la Terre du 20 ou 21 mars (correspondant à l’équinoxe) soit la journée de la Terre du 22 avril, qui a pris naissance en 1970 aux États-Unis.

 

 

Pour ceux qui voudrait aller plus loin voici la transcription d’un riche débat tenu au lendemain de la COP21 et de l’accord de Paris entre Michel Colombier de l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales), Maxime Combes (Economiste et militant pour la justice climatique !, blogueur sur Médiapart) et Alix Mazounie du RAC (Réseau Action Climat), pour la Revue Projet :

« Le risque est de considérer la question réglée après la Cop »
http://www.revue-projet.com/articles/2016-01-colombier-combes-mazounie-le-risque-est-de-considerer-la-question-reglee-apres-la-cop/

 

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